mardi 16 février 2010

Mon histoire

"Bonsoir ma chérie ! Comment vas-tu ?"
J'adore la voir gigoter dans tous les sens, le regard complètement perdu. Elle ne comprend rien, et en même temps elle n'a plus rien à apprendre. "Qu'est-ce que tu cherches, hmm ? Tu veux manger un petit bout ?". Elle saisit ma main pour me montrer qu'elle veut jouer avec son nounours en peluche Théodore. C'est son amant, il est doux, gentil et sage. Je me lève du canapé pour lui ramener Théodore. Le voyant venir, Eléanore se lève à son tour à toute hâte pour lui faire un câlin. Qu'elle est mignonne comme ça, à être folle amoureuse de lui... j'aimerais qu'elle ne grandisse plus, qu'elle reste aussi chouette, ses joues roses aux yeux bridés. Elle me fait penser aux pingouins, bizarrement. J'espère aussi que mon amour avec Sarah sera tout aussi passionnel.
Je l'aime beaucoup, vraiment beaucoup. Elle m'a accompagné pendant mon enfance, mon adolescence, puis ma vie adulte. Sans elle, je serais resté ignorant de tout, sans elle je n'aurais jamais pu m'en remettre de mes traumatismes et je serais certainement devenu très fou. En tout cas beaucoup plus que je ne le suis actuellement !

Sarah est une femme tendre, douce, mignonne avec ses airs d'innocente, de prude. Sa chevelure blonde illumine, son côté artiste me séduit. Elle aime se faire belle, sans être superflue, et elle n'aime pas l'imperfection. Tout doit être à son goût, tout doit correspondre à ses attentes. Quand elle se maquille, elle ne joue pas avec le vernis, ni le rouge à lèvre et tout le tralala ! Deux rapides coups de crayons, un peu de pssht-pssht de son parfum à la lavande, elle enfile une de ses magnifiques robes légères et mielleuses, et les hommes sont soudainement à ses pieds. J'en suis très jaloux ! Mais je lui fais confiance. "Sarah, tout à l'heure en regardant Eléanore étreindre Théodore aussi passionnellement, cela me fait penser à nous, à toi. Je t'aime, ne me quitte pas." Elle sourit, me chuchote un "merci mon coeur, je suis tout à toi", s'ensuit un silence profond. Nos regards se fondent ensemble, je pourrais la regarder toute ma vie. Puis elle me prévient qu'il n'y a plus de papier-toilette. D'accord. Oui, elle est tellement élégante, "physiquement parlant", mais au fond, Sarah est "naufragée", en quelque sorte. Du moins c'est ce qu'elle pense d'elle-même, et finalement je compatis entièrement. Dans sa tête règne le plus gros bordel que je ne connaisse : entre les idées farfelues qui valsent et dansent et les émotions qui explosent et débordent de partout, on s'y perd très facilement. La preuve, j'étais son psy à l'époque de notre rencontre. Mais on en reparlera plus tard si vous voulez bien, en tout cas c'est pour vous expliquer que me prévenir de la carence de papier-toilette signifie pour elle "je suis heureuse d'avoir fondé ma vie avec toi", ou bien "je te fais confiance, si tu veux bien faire les courses pour nous demain ?". Pour se retrouver dans son bordel absolu, il faut, d'après elle, "savoir saisir son odeur dans sa tête", ce qui ne veut vraisemblablement rien dire. Ou plutôt j'interprète ses paroles en suivant son mode d'emploi.
"Comment c'était le boulot Vincent ?" me demande t-elle. Je lui raconte que le travail est toujours intéressant, qu'aujourd'hui un patient parlait avec son ami imaginaire qui l'avait accompagné lors de notre séance de thérapie. Je lui explique que c'est toujours délicat d'avoir un patient délirant, car c'est lui qui impose les frontières, les limites : un faux pas de ma part peut enchaîner rapidement vers le renfermement du patient.
"Je comprends bien. En tout cas tu es courageux." Courageux ? Oui, peut-être.

Eléanore est mon rêve de toujours. Je projète en elle ce que je ne pourrais plus jamais devenir. J'ai même une image toute faite de ma fille, lorsqu'elle aura grandi : intelligente, perspicace et séduisante comme sa mère (sans la blondeur et la violence !), mystérieuse mais sincère. Personne ne serait à sa hauteur, sauf Sarah ! Je porte vraiment beaucoup d'admiration et pour ma femme et pour ma fille. Ai-je de l'admiration pour moi-même ? Est-ce que je suis à la hauteur des femmes que j'idolâtre ?
"Tu viens chéri ? On mange, amène Eléanore au passage s'il te plaît." J'arrive. Je vous laisse, cher lecteur, chère lectrice, je reviendrais plus tard.

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